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Windows contraint par l’Europe : Edge facultatif, Store désinstallable et moteur de recherche au choix

Pierre Caer Le Crabe

Et si Windows vous laissait enfin le choix de faire ce que vous voulez ? C’est en tout cas ce que promet une série de modifications importantes déployées en Europe par Microsoft. Fin des relances pour forcer l’utilisation de Microsoft Edge, possibilité de désinstaller le Microsoft Store, ouverture de la recherche Windows à d’autres moteurs de recherche : Microsoft révise sa copie pour se plier aux règles du Digital Markets Act (DMA).

Cette réglementation européenne, entrée en vigueur récemment, pousse les géants du numérique à ouvrir davantage leurs écosystèmes. Et pour les utilisateurs de Windows dans l’Espace économique européen, cela se traduit par plus de liberté et moins de choix imposés. Voici ce qui change, et pourquoi c’est loin d’être anecdotique.

Le DMA, c’est quoi ?

Le Digital Markets Act, ou DMA, est une loi européenne entrée en vigueur en mai 2023. Son objectif : rendre les marchés numériques plus ouverts, plus justes et plus concurrentiels. Pour y parvenir, elle cible les grandes plateformes technologiques considérées comme des « gatekeepers » — des entreprises qui occupent une position dominante dans les services numériques essentiels, comme les moteurs de recherche, les magasins d’applications ou les systèmes d’exploitation.

Ces « gatekeepers », dont Microsoft fait partie, doivent se conformer à une série d’obligations (les « do’s ») et d’interdictions (les « don’ts »). Parmi les obligations : permettre l’interopérabilité avec d’autres services, autoriser la désinstallation d’applications préinstallées ou encore garantir l’accès aux données générées par les utilisateurs professionnels. À l’inverse, ils ne peuvent plus imposer leurs services au détriment d’autres, ni empêcher les utilisateurs d’accéder à des alternatives.

Le DMA ne remplace pas le droit européen de la concurrence, mais vient le compléter avec des règles claires, proactives, et contraignantes. Microsoft a ainsi été contraint d’adapter Windows et plusieurs de ses applications pour respecter ce nouveau cadre juridique.érées comme des « gatekeepers » (ou contrôleurs d’accès) par la Commission européenne. En clair, son système d’exploitation Windows est jugé comme un point d’entrée majeur vers le numérique, ce qui l’oblige à respecter de nouvelles règles en Europe.

Jusqu’à présent, modifier le navigateur par défaut dans Windows se limitait à quelques types de fichiers et protocoles (http, https, .htm, .html). Dans l’Espace économique européen (EEE), cela s’étend désormais à de nombreux autres formats : ftp, read, .mht, .mhtml, .shtml, .svg, .xht, .xhtml, .xml, voire les fichiers .pdf si le navigateur est compatible.

Autre nouveauté : le navigateur que vous définissez par défaut pourra être automatiquement épinglé à la barre des tâches, sauf si vous décochez les options prévues à cet effet. Une manière pour Microsoft de se conformer au DMA tout en gardant une certaine maîtrise sur l’interface utilisateur.

Nouvelles options dans les Paramètres de Windows 11 pour épingler automatiquement le navigateur par défaut à la barre des tâches et au menu Démarrer / Source : Microsoft

Ces changements sont déjà en cours de déploiement dans le canal bêta de Windows 11 (build 26120.4151) et arriveront en version stable en juillet.

Recherche Windows : vers une véritable ouverture aux moteurs tiers

Le composant de recherche intégré à Windows, souvent appelé « Windows Search », devient plus flexible. Désormais, dans l’Espace économique européen, certaines applications peuvent enregistrer leur propre moteur de recherche web au sein de ce système. Cela signifie que les résultats affichés lors d’une recherche dans Windows peuvent provenir de plusieurs sources, et pas uniquement de Bing. L’ajout de ces moteurs alternatifs se fait automatiquement dès l’installation de l’application compatible.

Il devient ainsi possible de consulter en parallèle les résultats de recherche de plusieurs moteurs de recherche différents et de personnaliser leur ordre d’affichage depuis les Paramètres. Des moteurs comme Qwant, Brave Search ou Startpage pourraient bientôt s’intégrer directement dans le menu Démarrer, aux côtés ou à la place de Bing, si leurs éditeurs adoptent l’intégration proposée par Microsoft.

Une recherche depuis la barre des tâches affichant des résultats à partir de plusieurs moteurs de recherche / Source : Microsoft
Activation/désactivation des fournisseurs de recherche web dans les Paramètres de Windows 11 avec possibilité de les réorganiser / Source : Microsoft

Ces changements sont déjà disponibles dans les versions Insider Preview de Windows 10 et Windows 11 et seront progressivement déployés au mois de juin.

Microsoft Store et les applications : plus de liberté pour les utilisateurs

Dans l’EEE, Microsoft va permettre de désinstaller le Microsoft Store, en passant soit via le menu Démarrer ou les Paramètres (une réinstallation restera possible si besoin). Même si cette application est supprimée, les apps installées via le Store continueront de recevoir des mises à jour, ce qui garantit leur sécurité et leur bon fonctionnement.

Par ailleurs, certains comportements des applications Microsoft sont modifiés :

  • L’application Bing ouvre désormais les contenus web avec le navigateur défini par défaut.
  • L’application Start Experiences (widgets et flux d’actualités) ouvrira désormais les liens web avec le navigateur défini par défaut, et non plus uniquement avec Edge.
  • Microsoft Edge ne vous proposera plus de devenir navigateur par défaut à moins d’être lancé manuellement (version 137.0.3296.52 et suivantes).
  • Si Edge est désinstallé, les autres applications Microsoft ne pousseront plus à sa réinstallation (hors PWA).

Une Europe qui fait bouger les lignes

Ces changements montrent à quel point la législation européenne commence à peser concrètement sur les pratiques des grandes plateformes. En obligeant Microsoft à ouvrir davantage Windows, le DMA offre plus de choix aux utilisateurs tout en favorisant la concurrence.

Reste à voir si ces ajustements auront un impact réel sur les habitudes des utilisateurs, ou si la majorité continuera d’utiliser les outils par défaut. Et vous, pensez-vous que ces changements vont vraiment faire bouger les choses ?